Archive for the ‘droit’ Category
Déchéance tout court
La déchéance de nationalité ne peut rien contre la déchéance de rationalité, alors pourquoi ce débat ?
L’hallucinant système de non-dépannage d’Orange
Avez-vous lu « l’idéaliste », ce livre de John Grisham, dans lequel on découvre un système de sécurité sociale privée, où un manuel de procédure décrit des cheminements de traitement des dossiers fait pour ne jamais aboutir à un quelconque remboursement, et sans que les employés, maillons de la chaîne s’en rendent compte à leur niveau.
C’est un peu l’expérience que je viens de vivre avec Orange. Mon téléphone ne fonctionnait pas, et j’ai pu prendre contact avec la maintenance, via un chat. J’ai passé une heure et quart avec le technicien, qui, après de nombreux essais, a conclu qu’il fallait changer ma livebox, laquelle présentait un blocage d’origine inconnue. Je pensais que la résolution serait simple : Orange possède un énorme réseau commercial, il me suffisait de passer à l’agence proche de mon domicile, laquelle délivrait des livebox à la pelle chaque jour, aux gens qui viennent signer un contrat.
C’était une grave erreur de ma part, comme de confondre le circuit propre et le circuit sale en matière d’alimentation, lesquels ne doivent jamais se croiser. Le technicien m’a expliqué que je serai informé par un sms, et qu’il me faudrait aller chercher ma livebox de remplacement à l’autre bout de ma ville de banlieue, ce qui, lorsque l’on ne possède pas de voiture, n’est pas si simple. Pourquoi ne pas l’expédier à mon domicile, pourquoi ne pas m’en remettre une à l’agence du centre commercial proche de chez moi ? grand mystère, il semble que les stocks de l’agence ne soient pas destinés à dépanner, mais uniquement à vendre.
Le dimanche à midi, quelqu’un m’a appelé sur mon portable, pour m’informer que l’on allait me demander mon avis sur l’intervention d’orange, qu’il faudrait l’évaluer. J’ai donc reçu un mèl, avec des questions, auxquelles j’ai répondu de manière bienveillante, le technicien m’ayant effectivement bien paru attentif à mon problème. Il m’avait indiqué que, compte tenu de mes ennuis, Orange se devait de faire un geste commercial.
J’ai attendu le sms qui n’est jamais venu. Un coup de fil nous a informés que l’opération (sans doute lourde et exceptionnelle) était annulée.
Voici quelques jours, nouveau sms : on m’informe que ma commande est livrée à une adresse située encore plus loin, au fond de la banlieue, dans une zone industrielle, où, malgré le gps installé dans la voiture, nous ne trouvâmes jamais, comme David Vincent en son temps.
Après cette mésaventure, qu’en conclure : j’écris au pdg d’orange, avec oopie à « 60 millions de consommateurs », et à l’association « anti-arnaques », je me rends à l’agence commerciale, je restitue tout le dispositif, et je vais ailleurs ? , mais quelle garantie supplémentaire aurai-je chez un autre fournisseur, moins soutenu par l’état, et donc l’infrastructure de service après-vente sera encore inférieure ? je me souviens des démarcheurs d’Alice qui m’avaient inscrits sans me demander mon avis, et coupé ma ligne avec France-telecom.
L’organisation de l’entreprise m’interpelle fortement : n’est ce pas, en pire, une sorte d’administration, où les procédures seraient incomplètes, incohérentes, sans aboutissement, et sans sens commun. Ce qui me frappe, c’est ce découplage entre le système commercial, hyperdéveoppé, et l’organisation technique confiée à des gens sans coordination, miséreuse. Je pressens un formidable problème d’organisation, un passionnant problème de gestion, de ceux qui firent la célébrité d’un Michel Crozier. Si quelqu’un a des infos, je suis preneur.
En tout cas, je regrette le temps où les gens des PTT se déplaçaient en cas de panne de téléphone, ce temps semble bien révolu, et l’on semble ne plus avoir aucun souci du client, une fois engagé dans le système.
le droit et l’économie
Au début de mes études, j’ai été attiré davantage par l’économie que par le droit. Dans la première, je cherchais une explication du monde, un remède à la crise, persuadé que certains « sachant » détenait une connaissance qui aurait pu nous tirer de la crise. Le droit me semblait une matière tatillonne et littéraire, administrative, et j’ai mis plus de temps à m’y intéresser.
Avec le temps, je me suis rendu compte que le droit donnait plus de prise sur la vie, parce qu’il permettait de se défendre en s’appuyant sur des règles, un raisonnement particulier, parce que formé de mots, et que raisonner en droit, c’est toujours un peu jouer sur les mots. D’une certaine manière, il m’a paru bientôt plus rigoureux que l’économie, où j’ai assez vite perçu que l’on était parfois dans le domaine de l’idéologie pure, et, surtout, nous avons du absorber la génération des « économistes » de la révolution conservatrice, où l’on donnait de l’économiste, même à des journalistes qui n’avaient pas fait d’études approfondies dans le domaine, et traduisaient les pressions venues des milieux financiers. L’économie est vite apparue à nu : une sorte de religion destinée à développer une emprise sur la société, par un discours omniprésent et unique.
les 5 rapports et les femmes voilées
Les cinq rapports déposés sur le site du premier ministre ont causé un séisme politique à retardement. Le Figaro a monté en épingle une proposition de quelques lignes suggérant d’autoriser les femmes voilées à participer aux sorties scolaires. Rappelons que la loi interdit la burka, mais que « l’interdiction » en question ne figure que dans une circulaire, un texte qui n’a d’autre valeur juridique que d’expliquer les textes, et d’en détailler l’application etude_du_conseil_d_etat_demandee_par_le_defenseur_des_droits Copy. Il ne s’agit aucunement comme le sous-entend le Figaro d’autoriser le voile à l’école, mais de se poser la question de la légalité d’une circulaire, un texte sans valeur juridique, mais qui, dans ce dernier cas semble ajouter de la réglementation au risque de relever de « l’excès de pouvoir », c’est à dire justement de dépasser « son droit » à expliquer les choses.
Les fonctionnaires ne peuvent porter le voile, mais les employés du privé le peuvent selon la jurisprudence « babyloup », laquelle est fortement contestée. Que faire des parents d’élèves ? la circulaire les assimile à des auxiliaires de la fonction publique, donc aux fonctionnaires, mais n’est-ce pas excessif ? on peut se poser la question, comment fait-on dans une ville comme Argenteuil où beaucoup de mères sont voilées, on s’en rend compte à la sortie des écoles. Doit-on les rejeter comme accompagnatrices, ce qui est une forme d’exclusion, et comment pratique-t-on d’ailleurs en réalité ?
Cette question fait partie de ces oursins que l’on ne sait par quel bout saisir, le front national se fait le héraut de la laïcité, et l’on ne sait plus ce qui relève de la laïcité et de l’intolérance, les deux mots peuvent s’échanger.
Indiquons pour souligner le faible poids juridique des circulaires, que lorsque l’on défend la situation des étrangers en France, plus personne ne semble connaître les circulaires qui pourraient aller en leur sens, et on peut citer le cas de nombreux conjoints d’étrangers qui se sont pointés dans les services, en présentant en appui de leur défense une circulaire que personne ne connaissait ni ne comprenait.
présentation simpliste d’un problème complexe
On trouve souvent des caricatures de l’administration, qui sont de ce type.
Je crois que c’est Alfred Sauvy qui décrivait dans un livre, lu voici très longtemps, la situation suivante.
Il évoquait les difficultés d’affectation de l’administration, notamment de la poste.
Le cycliste A habite à X et va travailler à Y. Le cycliste B habite à Y et va travailler à X. Ces deux cyclistes se croisent tous les matins et tous les soirs, mais il leur est impossible d’échanger leur poste, afin de réduire leur temps de trajet, car les procédures de l’administration ne permettaient pas à leur demande d’aboutir. Sauvy prend cet exemple des lourdeurs et des absurdités de l’administration.
C’est une manière simpliste de présenter un problème complexe, de façon à provoquer chez le lecteur une réaction de sens commun, sans prise en compte de la complexité de l’arrière-plan de cette décision.
C’est une présentation d’un problème qui méconnait deux grands principes importants dans la résolution. L’administration se veut un système de transparence et d’égalité dans les décisions touchant au personnel, et doit objectiver les conditions de mutation, en tenant compte de l’ancienneté, de la situation de famille notamment. D’autre part, elle recrute au plan national, ses agents pouvant être affectés partout sur le territoire, refusant en cela un principe de localisme qui voudrait que les reçus au concours travaillent près de chez eux. Telles sont les deux grands principes, l’égalité et le service de la France au plan national.
Pour ces raisons, tout mouvement de mutation doit respecter ces deux principes, et compte tenu du nombre de candidats à la mobilité, il est très difficile pour que, le hasard faisant bien les choses, on ne retrouve que ces deux candidats pour leurs deux postes respectifs. Autre problème, la mobilité vise à permettre de pourvoir des postes vacants, or, aucun de ces deux postes n’est vacant. Cette difficulté est résolue, en mettant à la mobilité d’une part des postes non pourvus, d’autre part des postes susceptibles de vacances, dans la mesure où les deux cyclistes auront fait connaître leur intention de bouger.
La présentation du problème par Sauvy ignore donc délibérément toute la complexité de la question, et oublie complétement les principes à respecter, comme si l’on vivait dans un pur pragmatisme. Ce type d’exemple, souvent donné par les medias est une forme d’escroquerie intellectuelle, parce qu’il présente une question comme accessible au sens commun, en faisant l’économie de toute complexité.
On pourra s’étonner de la bureaucratie nécessaire au maintien de la transparence, de l’égalité, et du principe national, mais il en est ainsi dans beaucoup d’autres domaines. Le néo-libéralisme, par exemple, pour imposer un système de marché, doit avoir recours à une bureaucratie impressionnante, que l’on oublie trop souvent. Faire respecter quelques principes communs imposent une lourde administration, c’est seulement dans un système sans règles, et où seules comptent les connaissances personnelles, que l’on peut se passer de bureaucratie paradoxalement.
deux cyclistes se croisent tous les matins
présentation simpliste problème complexe faussement accessible au sens commun
difficulté de gérer la complexité : égalité, transparence, nécessité d’une approche bureaucratique
de même le marché parfait nécessite beaucoup de bureaucratie
un an de perdu pour tous
Au bout d’un an on fait le bilan d’étape, et l’on se rend compte qu’on l’a passé sur la mariage pour tous, un sujet marginal, pour lequel 75 % des français étaient indifférents, avec un affrontement de plus en plus médiatisé des extrêmes. Sans doute un truc de communicant : montez en épingle un sujet de second ordre, qui ne touchera aucun intérêt économique, pour ne pas répondre à ces trois questions lancinantes qui sont le travail, le logement et les transports. Un tel sujet, qui recueillait un consensus de 90 % des français, dès lors que l’on ne touchait pas à leurs droits fondamentaux, que l’on ne bouleversait pas les règles de filiation dans une surenchère absurde et alors que la société était mure pour l’accepter, ce sujet aurait dû nous occuper trois jours, car son vote était acquis. Même Sarkozy l’avait envisagé, de même que le vote des étrangers, ce qui aurait coupé l’herbe sous le pied de la gauche, qui n’aurait plus eu de projet, mais peut-être a-t-il redouté l’impact sur les plus de 67 ans qui constituaient l’essentiel de son électorat.
Le voile autorisé partout dans le secteur privé ?
Je n’ai pas compris la décision de la Cour de cassation concernant l’affaire de la nounou voilée de la crèche Babyloup. La Cour a annulé le licenciement ce cette personne qui venait travailler voilée avec l’argument que « Le principe de laïcité n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ». Que faut-il en déduire, comment faut-il comprendre cette décision : la Cour semble prendre la loi dans une lecture restrictive, et on pourrait en déduire que, dans le privé, on peut porter le voile, et que l’employeur ne peut s’y opposer, même dans le règlement intérieur. Ne va-t-on pas mettre à bas tout un travail sur la diversité en entreprise, car, sur ce fondement, plus personne ne pourrait empêcher une salariée de se faire embaucher, puis de venir travailler voilée, protégée ainsi par l’argument développé dans cette décision ?
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