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Le meilleur moyen de quitter le net
C’est souvent d’arrêter l’ordinateur, sinon, on trouve toujours une occasion de revenir vers lui par hasard, ou de cliquer sur un lien, ou une idée de recherche nous traverse l’esprit. L’arrêt de la machine, l’écran noir devant nous, semble constituer le meilleur moyen de stopper notre glissement sur notre pente préférée, qui va de page en page, comme un oiseau en cage. Dans nos grandes villes, où l’extérieur semble de plus en plus éloigné, de plus en plus illisible, le net est le dernier terrain familier où l’on se sente encore chez soi.
renoncer au net ?
je suis sur le net depuis 1999, auparavant je n’avais même pas de téléphone portable. J’ai investi de mon temps au détriment de la lecture, ou des sorties, notamment au cinéma, et je me rends compte que le net nous pousse à communiquer davantage en aveugle, avec des inconnus, qu’en face-à-face. Je ne suis pas certain non plus que l’on communique ainsi avec des personnes différentes, mais que l’on communique différemment. Il y a bien sur la distance géographique, mais la distance sociale est parfois plus importante tout près de nous.
La question que je me pose, c’est si le net nous apporte quelque chose, nous donne plus de liens, ou s’il se substitue à des liens directs qui seraient peut-être plus humains et plus intéressants.
Est-ce qu’il n’y a pas un côté d’addiction, une possibilité de parler sans répartie, avec un échange différé dans le temps, mais aussi la possibilité d’argumenter davantage et à l’écrit, parce le net nous octroie une page blanche pour cela. La plupart de nos liens sociaux, professionnels sont contraints, ne peuvent se développer que dans un certain cadre, Le net a permis un autre type d’expression, avec ses excès, son manque de rigueur, sa sincérité, ses efforts pour faire mieux, pour aller au delà de soi, pursuivre des réflexions au-delà du quotidien.
Sur le net, il est possible de lancer des débats que l’on ne peut avoir dans la vraie vie, non peut-être dans la profondeur, mais parce que l’on recourt à l’écrit, que c’est un mode d’expression qui avait presque disparu, et qui est ainsi remis en selle. C’est peut-être cela la particularité du net, le retour de l’écrit.
Mais n’est-ce pas un mode de communication qui prend trop de temps de nos vies, qui ne nous permet pas d’investissement social, une sorte de sacrifice en quelque sorte.
La seule vérité du net c’est qu’il permet de communiquer par textes, là où l’on utilisait la parole autrefois, mais c’est peut-être dans un fouillis où cet écrit se perd justement.
penser net
Dans un sketch, un jeune se vante d’avoir 1723 amis sur facebook. survient une panne de courant et il s’écrit « j’ai perdu tous mes amis » « et sans google, je ne sais plus rien ».
est-ce qu’il y a quelqu’un sur le net ?
On lit beaucoup d’articles dénigrant l’écriture des blogueurs, les commentaires, articles teintés du plus profond mépris et de la plus grande condescendance. Il semble que l’émergence d’une parole commune, partagée, accessible soit un problème pour des gens qui pensaient avoir monopolisés la parole, et se croyaient « influents ». C’est drôle cette idée de « l’influence », de croire que le public croit ces discours diffusés pour défendre certains intérêts, alors qu’il a appris à les décoder depuis l’époque du « bourrage de crâne », et que, sans doute, seuls ces porte-parole croient encore à leurs paroles, que ce qu’ils disent parce que des médias leur sont ouverts, peuvent influencer encore le public.
Je constate toutefois que peu de gens utilisent le net pour sa puissance, préférant le prémaché de facebook, où l’on accumule pas mal d’aneries, et de reprises en boucle, et que l’on utilise si peu pour tenir un discours plus intelligent. Facebook, quelque part, c’est un peu le deuil de la réflexion, c’est un étalage semi-privé de banalités. Je ne comprends pas comment on peut avoir des centaines de « friends », alors que je suis déjà perdu avec un petit nombre, car les interventions paraissent partielles, sautent du coq à l’ane, et je ne suis pas certain de lire autre chose qu’une autre version d’un jeu social.
Je constate donc, à ma grande surprise, que peu de gens utilisent vraiment le net. Pour ma ville de banlieue, on ne trouve aucun blogueur pour mettre en ligne des articles, hormis les blogs de candidats aux élections, mais est-ce quand on est candidat, on est encore libre d’écrire, quitte à déplaire ?
Il me semble que si plus de gens utilisaient vraiment le net, pour se mobiliser, pour défendre des positions, pour faire part de leurs réflexions, si on utilisait davantage encore le net pour ce qu’il permet de mise en contact en direct et sans grands moyens financiers, de communication pure, qu’après tout le premier bistrot permet peut-être mieux que le net, alors on aurait encore davantage l’impression de pouvoir avancer.
Le nombre de blogueurs faisant part d’expériences, de réflexions libres est donc plus faible que je ne pensais. Il y a une sorte de promotion de soi-même, plutôt qu’un partage d’idées. Peut-être le bistrot possède-t-il de plus grandes qualités que le net, il est plus homogène socialement, l’échange est plus direct, et il conserve la couleur de la langue, ou sa tonalité.
Il me semble qu’en ce moment, il y a des choses que l’on ne peut continuer d’accepter, pour lesquelles il est important de se battre, d’affiner les arguments, et que le net devrait le permettre.
La publicité, les services marchands inutiles, les réseaux sociaux conformistes ont envahi notre horizon netien, comme un lierre envahissant, mais il nous appartient de ne pas laisser cet espace unique, véritable novation de notre temps, ne pas devenir un grand dépotoir des productions des tanks de la pensée, et des agressions commerciales.
Le net peut-il conserver ses créateurs ?
Je poursuis ma réflexion, peut-on avoir de bonnes surprises sur le net, ou reste-t-on dans le culte de l’amateur, de l’à-peu-près, sans que ce soit une chance de diffusion pour des choses qui pendant des années, faute de possibilités, ont été gardées pour eux par beaucoup de gens, sans que l’on puisse les voir apparaître ?
Michell Serres, qui est un optimiste, constate que c’est la première fois dans l’histoire qu’une petite fille de 9 ans peut rédiger une fiche wikipedia, et ainsi contribuer à la connaissance de l’humanité.
Pourtant, est-ce que les créateurs utilisent vraiment le net pour se faire connaître, ou considérer que le net est leur seul terrain, qu’il n’y en aura pas d’autre, et qu’une diffusion à 100 personnes constitue déjà un public en soi.
A partir de quel lectorat commence un écrivain ? Bien sur, il y a Dan Brown avec ses 300 millions de lecteurs, mais la plupart des blogueurs sont plus lus que bien des écrivains de qualité. Le choix du net permet de toucher tout de suite un plus vaste public que l’édition avec tous ses filtres. En termes de public, l’édition est même rédhibitoire pour l’écrivant moyen, celui qui ne prétend pas à une gloire universelle, mais a seulement des choses à dire, dont il sait qu’elles ne pourront concerner un vaste public.
Après tout, certains hommes d’influence ont un auditoire limité, mais comme chantait Boris Vian, plus que la portée, c’est l’endroit où tombe la bombe qui est important.
Bien sur, nos réflexions auraient pu être partagées avec notre entourage, mais ce n’est pas toujours autour de soi que l’on peut trouver le public réceptif à certaines réflexions, ou à qui ces réflexions pourraient être utiles.
Le net permet de toucher un réseau ad hoc, qui ne se réunira pas, qui ne communiquera que via un texte peut-être, mais une idée se diffusera, comme elle aurait pu le faire à l’oral, si la société fragmentée n’avait mis de tels coupes-feux à tout échange.
Il n’est pas évident que les créateurs du net soient bien repérés par d’autres medias, la transmutation n’est pas évidente pour beaucoup de raisons, dont l’une tient aux réseaux qui sont différents, et aux raisons commerciales, car tout n’est pas bankable du net, on est plus proche de l’invendable Guy Debord que de Marc Levy.
Il est donc possible qu’une grande partie des « graphomanes » du net y reste, parce que le media créé l’artiste, et que la traduction n’est pas garantie. Faut-il donc cesser de penser que le net serait un moyen de repérage d’artistes qui rejoindraient le circuit classique, ou une réserve de créateurs qui ne le quittera pas ?
pourquoi le net est radical
Le discours sur le net est plus radical, parce qu'il donne la parole à une part instruite et dominée du champ intellectuel, une part qui n'aurait eu aucun moyen d'éditer ses textes voici dix ans. La nombre de diplômés a augmenté de manière exponentielle, sans que l'on ait eu l'impression qu'il avait plus de voix au chapitre, parce que le champ médiatique n'a pas augmenté à proportion du nombre de gens pouvant y prétendre. Avec le net c'est chose faite. On peut y trouver le pire sous forme de commentaires comme le notait Alain Duhamel, traumatisé par le niveau des commentaires sous les articles. Mais jusqu'ici, peu de gens avaient accès à une expression mondialisée, accessible, conservable durant des années. On y voit des avis surprenants, parfois très étayés et bien réfléchis, que l'on n'aurait pu voir quand les medias étaient plus filtrés. Ce qui inquiète des gens comme Alain Duhamel ou Assouline, c'est l'accès au magistère de gens non contrôlés, non estampillés, qui peuvent mettre à bas une parole officielle, coûteuse à entretenir. La propagande coûte cher, le net est un danger pour elle, on le voit avec l'Iran et la Chine, mais aussi avec notre pensée unique, nos articles de journaux où "l'immobilier va repartir et c'est le bon moment pour acheter".
Si des choses insignifiantes sont montées en épingle, comme la main d'Henry, si des commentaires odieux apparaissent, le net est aussi la voix de ceux dont les medias ne parlaient pas. A une exception : les internautes expriment des revendications politiques de classe moyenne, les "invisibles", les pauvres, y sont rares. Le net est un moyen pour les verbeux, pas pour les taiseux et les gens de peu.
Ce qu’est le net
La net a quelque chose de cette utopie décrite dans "Clones", cette possibilité de ne plus être embarrassé par son vrai corps dans ses relations avec les autres, mais d'avoir le physique de son avatar, et l'âge, le sexe, que l'on veut. Certes on ne peut aller aussi loin que "Clones" dans le monde virtuel, mais c'est déjà une esquisse. Arpès, cela explique que l'on ne puisse transformer les relations nouées sur le net en vraies relations, parce que ce n'y apparaissait pas, le corps, est quand même une part fondamentale de la relation.
Le net permet de conserver une part importante de nous, nous transforme en texte, en idées, et fait abstraction du reste. C'est une fenêtre sur le monde, une immense bibliothèque, une foule sans présence physique.
Le net, c'est un dialogue entre textes, de l'intertextualité, plutôt que de la communication au sens classique, qui implique le corps.