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Le succès mythique de « ça »
Émeutes en séries dans ma ville de banlieue pour la diffusion de « ça », le film tiré d’un livre de Stephen King. Devant l’agitation des collégiens en séance, on a dû plusieurs fois interrompre le film et évacuer la salle. La mairie a pris des précautions, vigile à l’entrée et contrôle d’identité, pour vérifier que les conditions d’âge sont remplies.
On retrouve l’ambiance de ce film mythique diffusé autrefois durant des décennies dans une salle parisienne, le « rocky horror picture show », pour lequel les habitués revenaient et lançaient du riz ou de l’eau durant les scènes de mariage ou de pluie. 40 ans après le même phénomène à Argenteuil ? il semble que les mêmes collégiens reviennent de séances en séances pour partager les mêmes émotions.
Le fantastique populaire
Comment peut-on lire du fantastique populaire ? est-ce qu'il ne se situe pas à un niveau trop bas dans l'échelle des valeurs de la distinction ?
D'abord, une première remarque, lorsque l'on a adapté ces histoires au cinéma, elles ont fait un bond sur cette susdite échelle, ainsi "the shining" est présenté comme du grand cinéma parce que c'est Kubrick, alors que le livre est meilleur que le film. L'histoire perd à être raccourcie. Ces histoires nous passionnent, parce que l'angoisse y est portée au maximum, mais une angoisse produite à partir de situations de la vie réelle, auxquelles le fantastique apporte une extension. Carrie décrit une situation scolaire classique, celle d'une enfant qui est le souffre-douleur de sa classe, et sa vengeance est une expression extériorisée de sa douleur, rendue surnaturelle. The shining, c'est le problème d'un père alcoolique, et ses rapports avec sa famille. L'horreur n'est qu'une prolongation du quotidien, une manière de le développer, de le rendre hypersensible. Ces histoires sont aussi des histoires de milieu fermé, la mère de Carrie est une fanatique religieuse, la famille du shining est nucléaire, rosemary"s baby décrit une maternité dans un milieu étouffant, un complot.
Ces histoires ne font pas partie de la grande littérature, mais elles nous disent beaucoup sur nous-mêmes, sur la société américaine, son envers. Au contraire des histoires à l'eau de rose, qui mettent en scène des phantasmes féminins un peu risibles et superficiels, le fantastique nous permet
au fond de nous-mêmes, de creuser jusqu'à nous faire peur.
triton95 