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Faut-il réapprendre l’allemand ?

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Lorsque j’étais enfant, l’allemand était la première langue que l’on apprenait quand on le pouvait, que l’on en avait les moyens scolaires, non par intérêt évident pour cette langue de la « réconciliation », mais pour effectuer le meilleur cursus scolaire, dans les meilleures classes. Cette langue jouait le rôle d’un filtre mis sur les ambitions. Sauf pour ceux qui à Saint-Etienne ont pu bénéficier des échanges avec les enfants de Wuppertal et Solingen, dont le niveau de langue en français épatait et surprenait tout le monde, comparativement au nôtre, on se dépêchait de l’oublier comme une sorte de langue barbare apprise à regret et pour des raisons contingentes. Je connais des gens qui ont fait dix ans d’allemand pour cette raison, et qui n’en ont rien gardé, même pas un noyau de vocabulaire. Il faut dire que tous les enseignants ne disposaient pas de la pédagogie nécessaire, et que la voie royale ressemblait à une impasse et à la pire des classes de zep, tant le respect de cette matière ne durait pas, qu’elle avait été choisie sans vocation.

La France et l’Allemagne sont des pays qui s’ignorent, en Allemagne, on n’apprend pas le français, et en France, l’anglais puis l’espagnol ont tout supplanté. L’anglais, car c’est la langue du rock, l’espagnol, parce qu’il est plus facile et plus sympa que l’allemand.

Au fil des ans, cette langue est même tombée en disgrâce, à un point tel que l’on voit des agrégés d’allemand hors classe passer le concours des instituts régionaux d’administration pour devenir intendant de lycée, tellement la demande est devenue faible dans leur matière.

A un moment donné, Alain Minc demandait que l’Europe parle anglais, que l’on apprenne cette langue, et que l’on sorte des langues archaïques et nationales actuelles pour aller vers la modernité selon Alain Minc. Les cultures européennes étaient des vieilleries, qui devaient être chassées et remplacées par cette langue moderne, américaine, compatible avec le capitalisme moderne, et qui effacerait le passé. Un nouvel esperanto, mais pas porteur des mêmes valeurs.

Pourtant, pour peu que l’on voyage un peu en « Mitteleuropa », on se rendait vite compte de la prégnance de cette langue, véritable lingua franca de la région. Il n’était donc pas évident que la langue majeure de l’Europe soit l’anglais, mais l’allemand pouvait tout aussi bien prétendre jouer ce rôle.

Pourquoi faudrait-il réapprendre l’allemand aujourd’hui ?

C’est une langue de culture, unique pour les concepts philosophiques qu’elle parait forger sans effort, construite pour de longues explications logiques et moins ambigûe que l’anglais, et un utile contrepoint à une domination de l’anglais, mais tout comme le français d’ailleurs. Le retour économique soudain de l’Allemagne, et sa place à la tête de l’Europe, ce retour imprévu vont faire réfléchir bien des gens. Ceux qui ont écouté le dernier discours de Sarkozy auront été surpris, on a récréé un couple franco-allemand, comme au temps de Giscard et De Gaulle, ou plutôt la guerre d’Irak l’a fait ressurgir, comme la seule force existante en Europe, d’opposition à une politique d’intervention des Etats-unis. La France et l’Allemagne représentent 50% du PIB européen, et le naturel dans les rapports de force est en train de revenir au galop. Qui parle encore de Barroso ?

Cette nouvelle donne, ce passage d’un féréralisme néo-libéral, à « couple Ceaucescu » est un réveil brutal et violent pour les habitants du vieux continent.

J’en déduis que l’enseignement de l’allemand pourrait retrouver quelques couleurs, et que, peut-être, les échanges pourraient retrouver une nouvelle vitalité, mais si les deux pays semblent la carpe et le lapin unis dans une entente improbable.

Written by Le blog de Jean Trito

30 octobre 2011 at 09:28