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Le culte de l’adresse ou la distinction du pauvre

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Ce qui est surprenant lorsque l’on arrive en région parisienne, c’est que tout le monde se définisse par son adresse postale. Il semble que l’adresse précède l’essence, et qu’elle résume tout de l’individu, ses relations, son origine, son travail, ses études, sa substance. Il est même des gens qui ont tout perdu, sauf l’adresse située dans un immeuble minable, mais d’un quartier présentable, et qui se raccroche à ce seul vestige. Je ne sais s’il s’agit de gens pauvres dans leur tête, et qui ne possèdent plus que ce moyen de classement social, ce tri sélectif qui permet de sélectionner ses connaissances de manière affirmée et sans commettre d’erreur sur la personne. Bourdieu parlait de la distinction, ce moyen exigeant fondé sur une culture bourgeoise difficile et longue à acquérir, qui nécessitait une émergence prolongée dans un milieu instruit, afin d’en acquérir les codes. La culture de l’adresse en est-elle vraiment un raccourci, un moyen commode d’aller plus vite pour juger ? ou n’est-ce que le moyen d’outsiders qui ont fait l’économie de l’acquisition d’une vraie culture, bien plus difficile à obtenir, pour se contenter d’un jugement social approximatif parce qu’ils n’ont pas les moyens d’une vraie culture. Je remarque que plus l’on a de difficultés avec la culture légitime, et plus on utilise l’argument qui peut être acquis avec un peu d’argent, et sans un cheminement douloureux dans la construction d’une culture générale. L’adresse est peut-être la distinction du pauvre.

Written by Le blog de Jean Trito

27 mars 2011 at 09:24

Logement social ou promotion sociale ?

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Il vaut souvent mieux obtenir un logement social bien situé que n’importe quelle promotion, laquelle nécessitera travail infini, et engagement encore plus important par la suite. Obtenir un HLM dans un bon quartier de Paris, où l’on paiera 600€/mois sans charges et sans impôts locaux représente un bond social, et une très importante promotion, notamment parce qu’à Paris les gens se définissent par l’adresse, laquelle permet de situer les autres dans la société. On est en train d’assister à une patrimonisation du logement social, lequel devient héritable pour les générations suivantes. On connaît des jeunes dont le principal et le plus important patrimoine est le HLM bien situé que leur grand mère a pu leur transmettre. C’est une vraie chance de pouvoir ainsi consacrer une faible part de son revenu, tout en habitant à proximité de son travail, pendant que les autres effectuent trois heures de transports quotidiens. La différence sociale ne se fait plus sur les salaires, situées dans une fourchette plutôt restreinte, mais sur le patrimoine dont la diversité est infinie, et fait la différence pour quelqu’un qui habite l’ile-de-france. Souvent, les gens qui sont bien logés n’ont pas tellement d’autre mérite que l’avoir acheté au bon moment, d’en avoir hérité, ou de disposer de ce type d’avantage social. On rencontre dans les hlm de la ville de Paris des gens qui gagnent 6 000 €/mois. C’est du social de haut de gamme.

 

Dans la tête des gens, le pavillon avec jardin représente une sorte de rêve, un idéal, qui les pousse à s’endette au-delà de leurs moyens. Les premières années d’une vie pavillonnaire sont tranquilles, c’est convivial, on échange beaucoup avec les voisins, puis viennent les premiers malentendus, les haies croissent, et l’on finit isolé, et se plaignant de ses voisins auprès des visiteurs. Les zones pavillonnaires me frappent par leur absence de vie, leurs jardins semblables, avec leurs habitants accomplissant les mêmes taches au jardin au même moment, comme un souvenir d’un très vieux temps de communauté agricole. Je plaiderais pour une ville moins étalée, plus vivante, avec des parcs, des espaces de vie, plutôt que ces grands ensembles horizontaux, où l’on doit prendre sa voiture pour acheter le pain. Il y a comme une sorte de rétrécissement de l’esprit dans ces zones, autant la ville ouvre, autant le pavillon enferme, les drames les plus terribles s’y déroulent, derrière ces murs discrets.

Written by Le blog de Jean Trito

7 octobre 2010 at 20:34