Archive for novembre 2013
Paris, Beaugrenelle
J’ai connu l’ancien centre Beaugrenelle il y a longtemps, et son plan était beaucoup plus simple, on ne s’y perdait pas. Le nouveau m’a semblé si anxiogène, proche en cela de la défense, de la part-dieu à Lyon ou de Saint- Lazare. On se retrouve dans un centre fermé, où les chemins ne sont jamais directs, on semble avoir tout fait pour que les escalators ne soient pas alignés, et qu’il faille effectuer un tour du puits central pour en retrouver la suite. C’est une bonbonnière oppressante, un attrape-bobos où les prix sont costauds et les lieux pour se reposer rares ou hors de prix. La garderie d’enfants est à 10€ de l’heure, le parking à 1€ pour trois heures.
Il semble que ce plan soit devenu universel avec un resserrement dramatique des lieux de passage, résumés à des escalators étroits, qui, sans doute, obligent à regarder les marques autour de soi. Autrefois, les grands magasins avaient de larges escaliers, aujourd’hui la mode est inversée.
On ne trouve jamais de magasins trop utiles, les librairies ne sont jamais profondes dans ces lieux, se résumant à présenter les best-sellers du moment, on y découvre par contre les dernières technologies geek, et tout est fait pour y faire des folies, se promener en se soumettant à la tentation, plutôt que de rendre un service plus utile au passant.
Ces lieux sont soft, on ne peut y distribuer librement de tracts, car ils ne sont pas des rues mais des espaces privés. On s’y sent manquer d’air et l’on regrette rapidement les promenades dans les vraies rues.
Pour moi, ils sont inappropriables, jamais on ne gardera la mémoire de ces lieux changeants et lisses, et l’on n’y aura pas d’habitude, on n’ y connaitra pas d’évènement humain marquant. Ce sont les lieux de l’anonymat luxueux, des promenades sans aspérités.
Nous sommes déjà dans une sorte de science-fiction, celle qui imagine un univers d’où l’humain ne serait plus humain, mais plus insignifiant qu’un rat de laboratoire. C’est une sorte d’anti-quartier latin, de ces lieux un peu désordonnées pleins de surprises, et qui peuvent faire partie d’une mémoire humaine.
game of thrones
j’ai commencé à regarder des épisodes (4) de games of thrones, le trone de fer en français, et c’est bien prenant : un peu de shakespeare, sans en atteindre les sommets littéraires, quelque chose des rois maudits, un peu de l’heroic fantasy du seigneur des anneaux, sans monstres et sans effets spéciaux, et l’on se prend à suivre cette longue saga, tellement qu’elle a épuisé son créateur, en se demandant mais avec toutes ces séries comment vais-je trouver le temps de passer l’aspirateur ?
Les hommes y sont tous différents, courageux ou laches, intelligents ou idiots et imbus d’eux-mêmes, alors qu’il n’y a que deux types de femmes, les femmes fortes de tête, et les femmes fortes de poitrine.
Da Vinci code à Argenteuil
avec sa tunique du Christ, son abbaye médiévale qui l’a cachée longtemps, la fille de Charlemagne, Abélard et Héloïse, Karl Marx, Monet, ses mystèrieuses femmes voilées, et ses étranges barbus, Argenteuil est en train de devenir une fantatisque ville digne du Da Vinci Code, et l’entreprise qui a le monopole de tous ces travaux de restauration s’appelle Vinci, ce qui ne pouvait pas s’inventer, on peut dire que le mystère se dissimule à peine, même si je suis apparemment le seul dans la ville à avoir fait le rapprochement jusqu’ici…il faut dire que j’ai eu de bonnes lectures.
de la banane et de la guenon
On peut ne pas apprécier la politique de Mme Taubira, et considérer que ses lois sont laxistes et ne résoudrons pas le problème de la délinquance, de même on peut ne pas pouvoir vivre dans un nouveau monde anthropologique, où le mariage concernera tous les sexes, brisant les anciennes barrières. On peut aussi s’inquiéter de l’impact de la nouvelle organisation de la famille sur celle des familles à l’ancienne, et considérer que sans rien reprocher aux gays, on est opposé à ce que le mariage pour tous vienne percuter les règles de la parentalité.
Mais les partisans de la manif pour tous ont franchi une étape dangereuse, celle de leur propre bêtise, et ont servi les partisans du mariage gay par le vide de pensée qu’ils ont étalé au grand jour. L’UMP s’est fourvoyée dans ses prises de position, car le mariage gay n’est pas le marqueur optimal de la différence entre droite et gauche, et les slogans de cette manif pour tous auraient du recevoir une désapprobation unanime de gauche et de droite. C’est une mauvaise défense de ce qui peut être une manière de concevoir la société que d’afficher en public une telle indigence intellectuelle, et avec l’occupation fallacieuse de hlm dans Paris par l’égérie du mouvement, la position de la manif pour tous s’est écroulée d’elle-même.
Ces manifestants ont cru malin de se comporter comme les italiens devant leur ministre noire, et ont dévoilé leur niveau zéro. Il existait sans doute bien d’autres arguments mieux pensés, ou tout simplement l’affirmation d’une foi, d’un crédo, axiome indiscutable par des arguments rationnels, et la manif pour tous a choisi le gouffre et le ridicule.
Du coup, la société française attend des sanctions légitimes contre les parents qui ont emmené leurs enfants dans cette dérive.
Thérèse Desqueyroux, de François Mauriac
La sortie du film m’a poussé à lire le livre. François Mauriac est un prix nobel un peu oublié, teinté de catholicisme et de provincialisme, du moins c’est comme cela qu’on le présente. Je connaissais le « noeud de vipères », vu sous forme de « dramatique » avec Pierre Dux, et dont la qualité m’avait touché. C’est en pensant ne rien découvrir de bien spécial, qu’un vieux classique poussiéreux et hors d’âge que j’ai lu ce « Thérèse Desqueyroux ». J’ai été surpris par la qualité du style original, qui claque, et nous transmet une psychologie profonde, celle d’une femme, qui est aussi Mauriac que Mme Bovary est Flaubert, inadaptée à son milieu provincial étroit, où un mariage de raison est arrangé. Elle va tenter d’empoisonner son mari, qui sans comprendre le fondement de son geste, va organiser les apparences autour d’elle pour ne pas tacher l’honneur de la famille. C’est un thème que l’on pourrait comprendre d’un bout du monde à l’autre, surtout en notre temps, cette incarcération.
Mauriac disait « Paris est une solitude peuplée, la province un désert sans solitude ». Ce qu’il nous démontre dans ce livre.
Il s’est inspiré d’une histoire vraie, mais on sent qu’il y a surtout projeté ses sentiments les plus cachés. Cette femme, plutôt jalouse des amours de sa belle sœur, et inapte au mariage, finira par se réfugier à Paris, où les gens sont comme les arbres de la lande. Mauriac ne décrit pas une féministe, mais une personne inadaptée au monde qui se présente à elle.
Je ne sais pas ce que vaut le film, mais peut-il traduire toute la complexité d’une telle oeuvre ? je n’en suis pas bien certain, et c’est pour cela que je conseille la lecture de ce véritable chef d’oeuvre, peu connu en fait. Tout comme « la chute » pour Camus, ce n’est pas toujours le livre le plus connu d’un auteur qui m’aura le plus marqué.
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